
Les Français qui sont allés en Belgique peu après les élections de 1936 n’ont pas découvert sans surprise, dessinées en blanc sur le pavé même des routes, en noir sur les maisons, de grandes inscriptions qui tour à tour ordonnaient : « Votez Rex, » ou annonçaient : « Rex vaincra. » Tous les cent mètres sur les chaussées des Flandres comme dans les belles forêts d’Ardennes, flamboyaient ces mots fatidique ; ou bien apparaissaient d’ingénieuses affiches, bariolées de couleurs vives, ou d’immenses photographies d’un jeune homme vigoureux. Tels étaient les derniers témoins de cette campagne électorale si rude et si surprenante, qui devait amener à la Chambre belge, sur deux cents députés, vingt et un membres d’un parti nouveau, inconnu il y a un an, le fameux parti rexiste.
Depuis les vacances, après deux mois de silence apparent, la France a eu la surprise d’apprendre la rupture de l’alliance franco-belge, et en même temps l’union des rexistes avec le parti nationaliste flamand, considéré jusqu’à présent comme francophobe d’abord, et hostile à l’idée de communauté belge ensuite. Le 25 octobre 1936, une réunion rexiste interdite par le gouvernement était décrite par avance comme une sorte de marche sur Bruxelles, analogue à la marche sur Rome ou sur Munich. On interdisait à Paris une réunion de Léon Degrelle. Bref tout ramène l’attention sur ce parti. Après l’Italie, l’Allemagne, le Portugal, la Hongrie, l’Espagne, la Belgique sera-t-elle fasciste ? Allons-nous voir à nos portes, dans une terre de tradition libérale, mourir le libéralisme et les idées du dix-neuvième siècle ? Partout, avec une nuance d’inquiétude, on se demande : qui est Rex ? que veut-il ?
Il est assez rare et assez curieux d’assister à la naissance d’un mouvement qui sera peut-être grand. Les Français qui ont haussé les épaules devant l’ascension de Mussolini, qui ont dit d’Hitler : « Il ne durera pas, » et qui ont ignoré Salazar, ont dû devenir méfiants, et ne plus prendre M. Léon Blum pour un prophète. Il n’en est point, aujourd’hui, qui ne se montre curieux de ce rexisme, de son jeune chef Léon Degrelle. Aux bureaux du journal, dès juin dernier, on m’a dit que, depuis plusieurs semaines, des centaines d’abonnements étaient demandés de France. Le gouvernement français pourtant, par une mesure d’ailleurs scandaleuse, vient d’interdire l’entrée en France de la presse rexiste. Quant aux Belges, suivant leur opinion, ils se montrent ravis, ironiques ou exaspérés sitôt qu’on leur parle de Rex, mais il faut bien dire que la curiosité est universelle, et qu’on se met aussitôt à raconter des anecdotes, à citer des propos, bref à établir la légende de Léon Degrelle et de son parti. Qu’il ne s’en froisse pas, même si ce qu’on raconte n’est pas toujours vrai: il n’est pas de grand mouvement sans la collaboration de la légende. Encore faut-il songer que la réalité est parfois plus belle, qui fait aujourd’hui d’un garçon de trente ans le chef d’un grand parti, et demain, qui sait quoi encore ? Sans vouloir préjuger de l’avenir, comment ne serait-on pas curieux de connaître cette espérance nouvelle ?
Novembre 1936.
Robert Brasillach – Léon Degrelle et l’avenir de «REX» – Avant-propos
Robert Brasillach – Léon Degrelle et l’avenir de «REX» – I – La jeunesse de Léon Degrelle
Robert Brasillach – Léon Degrelle et l’avenir de «REX» – II – Qu’est-ce que le Rexisme
Robert Brasillach – Léon Degrelle et l’avenir de «REX» – III – Degrelle vivant
Robert Brasillach – Léon Degrelle et l’avenir de «REX» – Complet (PDF)